Les Médailles de Lille de 1848
Par Jacques VERHASSELT
Chapitre: 1 Les prémices de la révolution.
La fin de l'année 1847, accumule sur l'horizon politique les sombres nuages précurseurs de la tempête populaire. L'orage avait mis dix-sept ans à se former, chaque jour avait apporté son tribut d'électricité menaçante; déjà des grondements lointains annoncent l'approche de la foudre La nation demande une réforme électorale; le pouvoir résiste, alors toutes les fractions du grand parti des opposants se coalisent dans les manifestations solennelles, les banquets réformistes sont organisés.1 Celui de Lille fut l'un des plus significatifs. Le 7 novembre est le jour fixé pour cette fédération nouvelle; les convives sont accourus de tous les points du département; les principaux chefs des deux oppositions parlementaires vont s'asseoir côte à côte au festin politique. Dynastiques et radicaux paraissent un instant unis dans une même pensée; mais au dernier moment, une scission violente se déclare entre eux. Odilon Barrot ( opposition dynastique ) veut qu'on porte un toast au roi, Ledru-Rollin ( les républicains de la réforme ) prétend boire à la souveraineté du peuple; deux camps se forment aussitôt et les réformistes dynastiques se retirent.
Pour être juste, il faut reconnaître que dans notre cité et même dans tout le département du Nord, les réformistes radicaux sont les moins nombreux, mais ils avaient pour eux le prestige de l'audace et d'une grande énergie. Les indécis, les intelligences paresseuses, aussi bien que les curs ardents, se laissent aller à cet entraînement vertigineux. Il en résulta que la banquet lillois, tout radical qu'il était devenu, n'en conserva pas moins pour convives, la grande majorité de ses souscripteurs devenus radicaux sans le savoir On y porta des toasts, on y prononça des discours qui visaient beaucoup plus loin que la réforme électorale, et le pays n'eut pas trop l'air de réclamer contre la solidarité qu'on lui faisait contracter avec la radicalisme pur.
Les banquets réformistes faisaient alors leur tour de France, renchérissaient en véhémence les uns sur les autres jusqu'enfin le gouvernement qui ne voulait pas absolument donner satisfaction au vu populaire, prit l'imprudente résolution d'en interdire l'expression sans cesse renaissante.
Le 22 février 1848, le banquet réformiste du douzième arrondissement de Paris fut empêché par la force, et le 24 au soir, le trône de Louis-Philippe était brûlé sur la place du Carrousel! Cette révolution de deux jours, vous l'avez tous vue de vos yeux, vous la connaissez. Cependant, il ne serait pas hors de propos de dire de quel air la ville de Lille reçut la grande nouvelle.
Déclarons-le nettement: les Lillois, nous parlons de l'immense majorité, ne sont pas de républicains de la veille La Flandre demandait simplement une réforme, et sans crier gare, on lui donna une révolution. Cette révolution serait venue tôt ou tard, nous le savons bien, mais enfin ceux qui voudront être sincères, conviendront que la brusque apparition de la république les a tout d'abord surpris quelque peu
Mon Dieu! Cela peut arriver à tout le monde, et la ville de Lille eut son moment de surprise et de stupéfaction.
Lille réfléchit, et se décide ensuite. Du reste, la république ne perdit rien à ce procédé usuel de la circonspection flamande, car chez nous, ce que l'on veut une fois, on le veut toujours; et le mois de février finissait à peine, que les Lillois étaient républicains avec préméditation! Les Lillois repousseront toujours loin de ses murs: l'ennemi, le despotisme, l'anarchie!
Histoire populaire de Lille Henri Bruneel. Lille 1848
Chapitre: 2 Préoccupations du Conseil municipal lillois
à la veille de la révolution.
Questions abordées par le Conseil, lors des réunions des 5 et 11 février 1848:
Octroi de pensions et de bourses
Expropriations pour la construction du nouveau collège, l'architecte sera Benvignat, les plans sont établis par Leplus
Traitement des employés de l'entrepôt des sucres
Traitement de l'interprète attaché au bureau de police (depuis l'hiver il a un surcroît de travail, chaque jour il faut interroger les mendiants qui arrivent de Belgique)
Etablissement de crèches publiques
Problème de la création d'une école préparatoire de médecine et de pharmacie
La révolution à Lille. ( Mémoires de Legougeux )
Il faut rappeler ce qui s'est passé à Paris. Un banquet de partisans de la réforme électorale devait se tenir le 19 janvier, interdit il fut reporté au 22 février, il devait se tenir dans le XII° arrondissement, la manifestation fut encore interdite et la révolution éclata, plus de 1.000 barricades, il y eut des morts. Les membres des sociétés secrètes républicaines prirent en mains la suite des opérations. On connaît la suite, le roi s'enfuit, un gouvernement provisoire est établi et le 25 février la république est proclamée.
A Lille le 22 février, les journaux annoncent qu'il y aura un grand banquet réformiste à Paris et que le gouvernement s'y oppose. Le 23 un voyageur revenant de Paris, raconte qu'il a entendu des coups de feu, qu'il a vu beaucoup de gardes nationaux et beaucoup d'ouvriers dans les rues. Le même jour le Préfet donne un bal et envoie des troupes à Paris. Le soir, à la sortie des ateliers, les ouvriers crient << A bas le préfet! A bas les ministres >> et chantent la Marseillaise.
Le soir les émeutiers vont à la Préfecture rue Royale et brûlent dans la rue: tapis, meubles, tentures; ensuite ils vont enfoncer la devanture de Divoir l'armurier de la Grand'Place et enlèvent tout ce qu'ils peuvent, une autre bande opérait chez Beghin, place de la Mairie. Dispersés par les gendarmes et les militaires, les émeutiers vont faire flamber la gare du chemin de fer au Long-Pot à Fives ( le premier train Paris-Lille est arrivé à Lille en 1846 )
Le lendemain on distribuait en ville un tract:
"Monsieur Bianchi, rédacteur au journal '' Le messager du Nord '' s'est rendu à l'Hotel de ville accompagné de M.M. Bonte-Pollet, Testelin, Castelain, Femy, Honnorat, Champon-Richebé et quelques autres. Cette démarche avait pour but de protester contre les actes de dévastation de la veille et d'offrir à l'administration municipale le concours actif des hommes de l'opinion démocratique pour contribuer au maintien de l'ordre, en attendant qu'un nouveau pouvoir ait été constitué, comme expression de la volonté nationale!"
La population reste très inquiète, les rares voyageurs venant de Paris ( à l'époque il y avait trois trains par jour ) savaient qu'une révolution éclatait, et on parlait d'envoyer des troupes. Le télégraphe était réservé aux seuls besoins du gouvernement.
Le 25 février, un manifeste émanant des Comités républicains est répandu en ville, entre autre il proclame:
"Le peuple souverain déclare que le gouvernement ayant forfait à son mandat, est dissout de fait et de droit. La Chambre des Pairs est supprimée. La Chambre des Députés est dissoute. La Nation se constitue en République.
Tout citoyen majeur est garde national, tout citoyen est électeur, tout électeur est éligible.
Liberté de la pensée et de la presse. Droit d'association politique et industrielle pour tous etc
Le départ de Roi causa une grande surprise, comment un monarque peut-il se décider à fuir au moment du danger?"
Le 26 février le train de Paris amène Antony Thouret, c'était le nouveau Commissaire du gouvernement provisoire, Préfet provisoire du Nord.
Le 27 février, il y a beaucoup de tapage et de cris dans les rues de Lille.
Révolution à Paris
Les 25 et 26 février le gouvernement provisoire décide de créer une nouvelle Garde nationale, bien payée, avec un bel uniforme et l'électivité de la hiérarchie. Il décida aussi de créer des travaux publics pour employer les nombreux chômeurs, on les dénomma << Ateliers nationaux >>
Dans les premiers mois de la révolution il y avait à Paris 160 journaux de tendances diverses et 146 clubs. Le nombre de clubs doubla à Paris dans les trois mois suivants. Les clubs regroupaient les couches politiquement actives de la petite bourgeoisie et la fraction avancée de la classe ouvrière.
A Lille le 2 mars, grande revue des troupes de la garnison, de la Garde nationale, des canonniers, des sapeurs pompiers. On s'aperçoit que Thouret n'est plus seul, il est accompagné de deux nouveaux Commissaires du gouvernement provisoire, les citoyens Delescluze et Pillette.
Le 8 mars Thouret est éliminé à la demande des chefs du parti démocratique: Testelin, Bianchi et Bonte-Pollet.. Chaque jour, les ouvriers se rendent à leur club, il y en avait de tous côtés, sous divers noms. Le club central républicain, centralisait le travail de tous les clubs démocratiques, Bianchi en était le président et tenait les séances dans le grand salon blanc de l'Hôtel de ville. C'était l'orateur du peuple, il exercait sur les ouvriers lillois un pouvoir considérable.
Lille: Réunion du Conseil municipal des 11 et 15 mars
Le commissaire de la république révoque Bommart des fonctions d'adjoint au Maire de Lille et nomme à sa place J.B. Castelain.
Prévisions de dépenses pour la Garde nationale.
Formation des listes électorales cantonales pour l'élection des représentants du peuple à l'Assemblée nationale, qui doit décréter la constitution.
Etablir un comptoir national d'escompte en exécution du décret du gouvernement provisoire du 7 mars. Avec un capital de 6 millions, un tiers de souscripteurs, un tiers en obligations de villes, un tiers en bons du trésor de l'Etat.
La crise financière a produit un effet désastreux sur la marche des affaires commerciales et sur celle de l'industrie manufacturière.
Le Conseil doit se concerter avec la Chambre de commerce et les délégués du bureau de bienfaisance afin de soutenir l'industrie souffrante et d'assurer la subsistance des ouvriers privés de travail.
Création des travaux communaux pour combattre les effets de la crise financière sur l'industrie manufacturière. On décide d'enlever la motte du cirque ou motte Madame et de la transporter, par bateaux au bord de la Deûle à St André, pour relever le niveau du sol bas et humide, d'un terrain que la ville a loué à l'administration des hospices.
Les ouvriers sont dans la rue, on veut chasser les Belges (la direction des douanes signale chaque jour l'arrivée dans la région d'ouvriers et de mendiants belges). Du 12 au 17 mars les troubles se développent, on s'attaque aux maisons de notables, notamment chez Bigo-Danel Maire de Lille.
Le 16 mars le gouvernement provisoire décrète une contribution de 45 centimes par franc d'impôt, cette mesure impolitique discrédite le gouvernement
Les ouvriers favorables à " La société républicaine, radicale et démocratique" s'intéressaient aux élections, sous l'influence des clubs, ils criaient dans les rues "A bas les blancs" s'adressant aux légitimistes, orléanistes, bonapartistes, echodunordistes.
Au coin de la rue des Arts et de la rue des fleurs, il y avait une école primaire. Dans une salle de cette école, le professeur de philosophie du collège faisait une sorte de cours à l'usage des ouvriers, afin de les éclairer pour le premier essai de suffrage universel.
Un soir une masse d'individus dépêchés par un club radical, envahit la salle aux cris de "parlez-nous des alaires, du capital, de l'organisation du travail" et des pommes commencèrent à pleuvoir sur le professeur.
Devant cette terrible crise commerciale et industrielle la Chambre de commerce créa un comptoir d'escompte avec une souscription de un million de francs, elle créa aussi des magasins généraux agrées par l'Etat. Une société de recouvrement fut fondée le 17 mars et fonctionna, sous la présidence de M.Kuhlmann, jusqu'au 17 avril date de l'ouverture du comptoir d'escompte.
L'arbre de la liberté.
La société républicaine créée à Lille sous le nom de société des amis du peuple, a demandé à la Municipalité l'autorisation de planter un arbre de la liberté. Il est décidé de le planter place du Concert, cette cérémonie ne doit pas être un acte isolé, elle doit avoir une solennité nationale, sous le patronage des magistrats de la cité, avec le concours des autorités civiles et militaires. Mais la place du Concert est trop isolée, le Conseil pense que la place de la Mairie, très fréquentée, remplirait mieux le but que l'on se propose. Les diverses sociétés républicaines, fondées à Lille, se trouvent d'accord pour choisir, la place du Théâtre.
Le dimanche 9 avril, par un temps splendide, on alla planter l'arbre de la liberté, toute la population y participa. L'arbre, un peuplier d'assez belle venue, mais sans feuilles, fut planté sur la petite Place.
Dans le défilé il y avait: Le club des amis du peuple ( l'initiateur de la manifestation fut Bianchi), le club de la fraternité, le club central, le club de la réforme, le club de la manufacture des tabacs, la société démocratique et sociale des amis du peuple (société St Clotaire-1846), sous la présidence du général Négrier, des commissaires Delescluze, Piette, Femy et le maire Bigo.
Que devint l'arbre de la liberté? Planté en mauvaise saison, pauvre en racines, trop arrosé, étouffé par les cartels, les rubans, les couronnes, les blasons, les guirlandes, il ne porta jamais de feuilles. On le remplaça, sans succès. On l'enleva pendant la nuit du 15 janvier 1852, à la suite du coup d'Etat. Le grillage qui l'entourait fut utilisé comme garde-fou entre deux massifs bordant le canal de la Deûle, en face de la petite pièce d'eau du square du Ramponeau.
La garde nationale - Après la plantation de l'arbre de la liberté on s'occupa des élections des représentants à l'Assemblée nationale et de l'organisation des réunions pour le choix des chefs de la Garde nationale.
Exemple de convocation: Citoyen, vous êtes invités à vous rendre le lundi 17 courant à 7 heures du soir au "Ballon" rue St Etienne, pour vous concerter avec vos camarades sur le choix des officiers et sous-officiers de votre compagnie. Votre présence est indispensable.
La Garde nationale comporte maintenant tous les citoyens âgés de vingt ans, en état de porter les armes. Sans conseil de révision, on y trouve des bochus des crochus et des Belges.
IL faut des nouveaux costumes, cela revient cher, de nouveaux officiers n'ont pas le moyen de se payer l'uniforme.
Les élections pour l'Assemblée constituante sont fixées le 23 avril, jour de pâques, le suffrage universel remplace l'ancienne manière censitaire.
Les ouvriers et les démocrates furent désappointés par les résultats. Sur 880 sièges les républicains bourgeois obtinrent 500 sièges, les monarchistes près de 300 sièges. Louis Napoléon est élu.
L'affaire du Risquons-tout: 28 et 29 mars.
Les révolutionnaires pensaient qu'il fallait porter la bonne parole en Belgique. Des émeutiers français et belges, aidés par les autorités du département du Nord, le préfet leur fournissant des armes, ils sont dirigés par des meneurs venus de Paris et de Belgique. Le 29 mars ils tentèrent un coup de force à la frontière, au Risquons-tout près de Mouscron.
Ce fut un fiasco, devant la défense belge, qui ne voulait pas de la république, les révolutionnaires se sauvèrent en abandonnant leurs armes.
Le lundi 17 avril et le lendemain il y a de l'agitation à Lille. L'ancien Préfet Thouret voulant être candidat à L'Assemblée nationale, soutenu par l'Echo du Nord et le Messager, se trouve en opposition avec Bianchi qui ameute les ouvriers, le tumulte s'amplifie, il fallu les sommations des forces de l'ordre pour rétablir le calme.
Les 29 avril et le 19 mai les ateliers communaux sont à l'ordre du jour, on est passé de 150 à 1.100 ouvriers, bientôt ils seront 1.800, la dépense sera alors de 2.000 francs par jour sans compter le matériel. Quand il y a 500 hommes à temps plein payés 9 francs par semaine, il reste à secourir, 1.300 ouvriers, par les sociétés philanthropiques et les donateurs.
La majeure partie de ces hommes soumis aux prises de l'oisiveté prolongée et exposés, en outre, à un désagrément dont ils se plaignent amèrement, celui de recevoir une espèce d'aumône, au lieu d'un salaire gagné. La progression des dépenses serait effrayante, si on n'avait pas l'espoir de la voir décroître, par suite du rétablissement de la confiance.
A Paris, on parle de dissoudre les ateliers nationaux et le 23 mai à Lille commencent les troubles, les ouvriers parcourent les rues en criant " 50 sous, de l'ouvrage". Ils attaquèrent la maison Delespaul et surtout la maison Vrau où les émeutiers voulaient pendre le chef d'atelier. Il y eut aussi un engagement rue Esquermoise, plusieurs gardes nationaux furent blessés. Les clubs étaient fâchés du départ, en douceur, des préfets provisoirs Delescluze et Piette, le Préfet définitif, Durand de St Amand, fut nommé le 29 mai.
Au Conseil municipal de Lille le 17 juin les ateliers communaux sont encore à l'ordre du jour:
Reconnaissant les graves inconvénients que présentait l'organisation première des ateliers nationaux, l'Assemblée nationale, par une loi du 30 mai dernier, a décrété que le travail à la tâche serait substitué, dans ces ateliers, au travail à la journée, et qu'il serait livré directement au prix du devis, et sans intermédiaire d'entrepreneurs, soit à des ouvriers associés, soit à des ouvriers isolés, suivant la nature des travaux. Il importe qu'aux yeux des ouvriers, le salaire alloué soit la véritable rémunération du travail et ne prenne pas le caractère d'une aumône déguisée. En dehors du déblaiement de la motte du cirque, on commence les travaux de la construction d'une école de natation, sur le projet de l'architecte Caloine. Le même jour, la société centrale républicaine radicale, organise une séance au manège civil, sur l'Esplanade, toute la ville est inquiète, les usines ferment, l'argent se cache, c'est la misère totale.
Journées de juin à Paris Du 23 au 26 juin nouvelle insurrection à Paris, l'explosion est spontanée, causée principalement par une loi contre les manifestations, mais surtout par la décision de supprimer les ateliers nationaux.
Pendant l'insurrection à Paris, l'Assemblée nationale demande du secours à la province. Lille envoie des Gardes nationaux. Le général Négrier et quelques Gardes nationaux sont tués. Le 30 juin le corps du général est ramené à Lille. Le 4 juillet le Conseil municipal octroie une concession à perpétuité pour le général Négrier et donne son nom à la rue Française.
Le Préfet, par une dépêche du 8 juillet demande au Conseil s'il n'est pas temps de procéder à la dissolution des ateliers communaux comme à Paris. Le Conseil pense qu'il faut encore continuer et il vote un budget complémentaire de 20.000 francs. Les ateliers furent définitivement dissous le 25 août, il y eut quelques menaces, le service d'ordre empêcha le développement des troubles.
Le 17 août le Préfet installa la nouvelle municipalité issue des élections. Par l'arrêté du 9 août le gouvernement nomma Bonte-Pollet Maire de la ville. Une des premières décision fut d'octroyer un terrain à L'Esplanade pour l'édification d'un monument à la mémoire du général Négrier.
Le 20 août le Conseil général du département est entièrement renouvelé il se compose de 60 membres.
Le 30 août le Conseil dissout les ateliers communaux, mais reconstitue des ateliers de charité. A partir de septembre l'optimisme pour l'emploi commence à renaître.
Réception des Gardes nationaux de Paris le 8 octobre.
Notre Garde nationale va recevoir de nouveaux étendards sur lesquels est inscrit la devise symbolique de la démocratie.
Ces nobles bannières doivent être remises, au nom du gouvernement émané de la souveraineté nationale, par les fondateurs même de l'ère nouvelle, qui vient de s'ouvrir pour la France, par ces braves citoyens de Paris qui après avoir proclamé la république sur les barricades de février, ont une seconde fois, cimenté de leur sang, la précieuse conquête qu'il leur a fallu disputer à l'anarchie.
Une nombreuse députation de cette héroïque milice, de ces intrépides défenseurs de l'ordre et de la liberté, a voulu nous apporter, de la part de la Légion parisienne, un témoignage de sympathie et de fraternité, en reconnaissance du concours que les fils de notre cité sont aller leur offrir dans les funestes journées de juin.
Elle a choisi pour accomplir cette démarche cordiale le glorieux anniversaire du siège de 1792.
Une souscription a été ouverte dans les rangs de la Garde nationale pour couvrir les frais d'un banquet où nos hôtes viendront s'asseoir à côté de leurs camarades du Nord et des délégués de la garnison. Il faudra aussi que la Commune accorde un subside.
4 novembre: L'Assemblée nationale adopte la nouvelle Constitution. Le 12 novembre la Constitution est proclamée.
Le 10 décembre Louis Napoléon Bonaparte est élu Président de la deuxième République. 20 décembre, proclamation du Président et fin des pouvoirs qui avaient été attribués en juin au général Cavaignac.
Département du Nord, Ville de Wazemmes, Bureau de police
Procès verbal constatant des réunions nocturnes dans un lieu public mais dans un cénacle séparé, puis dans une maison particulière, ce qui donne lieu de croire à des conciliabules propos alarmants et mots proférés dans des maisons particulières ayant trait au pillage et au meurtre.
L'an 1848 le lundi 10 du mois de juillet après midi, nous Bachelot Pierre Louis, Commissaire de police, rapportons qu'informé:
1 - Qu'après le club public démocratique radical du mardi 4 courant dans lequel il avait été dit qu'il n'entrerait dorénavant que les citoyens munis de carte, informé, disons-nous, que les réunions nocturnes et secrètes, dont on ne sortait que dans la nuit, avaient été tenues les mercredi 5 et le jeudi 6 courant à l'estaminet Meurisse 113 rue de Lille, lieu ordinaire du club, c'est à dire dans un cénacle dépendant de l'estaminet.
2 - Que le président et ceux, sous le patronage desquels il pérore, avaient changé leur lieu de réunion et que celle du vendredi 7 avait eu lieu, même rue n°171, dans une remise dépendant du domicile du Président M.Levasseur Charles Léopold, ministre protestant.
3 - Que ce M.Levasseur avait tenu, non dans des lieux de réunion, des propos alarmants ayant trait au pillage et au meurtre de trois personnes.
Nous avons fait appeler 1° Meurisse Jean Baptiste, âgé de 43 ans qui nous a dit que non, qu'il n'y a pas de réunion secrète chez lui, qu'il ne le permettrait pas. 2° Mme Descarpentries née Lefevre Julie Alexandrine, bouchère associée, 172 rue de Lille, laquelle nous a dit que M.Levasseur, lui a dit, chez elle, au sujet des souffrances publiques qu'il connaissait un moyen, c'était de faire jeter l'argent des gros sur la grand'place. 3° Mme veuve Marchand née Lefevre Adolphine Sophie, bouchère, 172 rue de Lille, laquelle nous a dit qu'ayant été le mercredi 5 courant, au matin, demander de l'argent à M.Levasseur, son débiteur pour comestible, elle s'est plainte de la difficulté des rentrées qu'elle attribue à l'état de chose, ce Monsieur lui a répondu que ça n'irait pas mieux tant qu'il n'en soit arrivé dix fois pire dans ce pays qu'à Paris, que pour le bien il faudrait qu'un tas de gueux tels que:
1 - Mauvier, Docteur médecin, maire démissionnaire.
2 - Mourmant, Raffineur de sucre, adjoint.
3 - Lefebvre-Horent, Filateur de coton, conseiller municipal.
Soient pendus et que ce ne serait pas lui qui lacherait la corde, notre maire d'à présent? A répondu la dame! Oh! Oui nous allons voir cela.
Ayant pris des informations sur la réunion de vendredi, nous avons recueilli que 80 à 90 personnes y avaient assisté.
Transmis au citoyen Préfet du Nord le 14 juillet 1848.
Ministère de l'Intérieur. République Française 2° Division Liberté, Egalité, Fraternité.
Sûreté Générale 1° Bureau Paris, le 29 juillet 1848. Circulaire
Citoyen Préfet, je suis informé par le citoyen Préfet de Police que des émissaires sont partis de Paris pour aller dans les départements organiser des ventes secrètes affiliées à la Société mère des Droits de l'homme. Déjà ces émissaires ont recruté en province, un certain nombre de prosélytes qui travaillent sans relâche à répandre leurs principes anarchiques.
Nous savons par expérience quel danger offrent ces sociétés affiliées, constituant une armée nombreuse, disciplinée et prête à se lever au premier signal donné par ses chefs. Une surveillance active et de tous les instants est donc d'une nécessité absolue.
C'est principalement dans les villes industrielles que les émissaires que les émissaires de l'anarchie espèrent organiser leurs phalanges, c'est surtout parmi les ouvriers des grandes fabriques qu'ils s'efforcent de propager leurs doctrines subversives de la propriété et de l'ordre social.
J'appelle votre surveillance la plus active sur ces manuvres, et je vous invite à faire observer avec soin les tentatives qui auraient lieu pour reconstituer les sociétés secrètes. Vous vous concerteriez, au besoin, avec le Procureur de la République pour appeler la sévérité des tribunaux sur des actes que la loi réprouve. En ce qui me concerne, je vous ferai part des avis utiles que le citoyen Préfet de Police m'adressera et qui seraient de nature à intéresser votre administration.
Vous voudrez bien, Citoyen Préfet, me tenir avec soin informé de toutes les indications que vous parviendrez à recueillir dans votre circonscription, sur la formation de Sociétés secrètes. Ces renseignements me serviront à 2clairer le Préfet de Police ou ceux de vos autres collègues dans les départements desquels ces coupables menées auraient des ramifications.Je compte à cet égard sur votre dévouement et sur votre vigilance.
Salut et Fraternité. Le Ministre de l'Intérieur J.Senard
Ministère de L'Intérieur République Française 2° Division Liberté, Egalité, Fraternité;
Sûreté Générale 1° Bureau Paris, le 17 août 1848 Correspondance générale. Confidentielle
Citoyen Préfet, tous les avis qui me parviennent, me donnent lieu de croire que les clubs malveillants, déconcertés par le Décret de l'Assemblée nationale, tendent à se transformer en Sociétés secrètes.
La loi interdit formellement les Sociétés de cette nature, elle prononce contre ceux qui en feraient partie, des peines sévères. Il importe que l'administration ne néglige aucun moyen pour assurer l'effet de ces dispositions protectrices de l'ordre.
Je n'ai pas besoin de vous dire en quoi les Sociétés secrètes diffèrent des réunions non publiques dont il est parlé dans l'article 14 du Décret du 28 juillet. Les membres d'une Société secrète ne prennent pas seulement des précautions pour éloigner de leur conciliabules, les personnes du dehors, ils cachent leur but, ils entourent leurs travaux d'un profond mystère, ils ont, en général, des mots d'ordre, des mots de passe, des signes de ralliement, ils exigent un serment, et ils entretiennent des rapports et des correspondances avec d'autres affiliations de même nature ou tendant au même but. C'est ainsi qu'on reconnaît les sociétés secrètes, bien que la réunion de tous ces caractères ne soit pas toujours indispensable pour les constituer.
En principe, tout cercle ou réunion non publique, ayant unbut politique, ne peut exciter qu'après avoir obtenu une autorisation préalable. L'article 15 du Décret du 28 juillet est très explicite à cet égard.
Mais il peut arriver, il arrivera souvent, peut-être, qu'une réunion non publique autorisée, cherchera à s'écarter de sa première institution, et que des meneurs essaieront d'en faire le foyer d'une société secrète.
A cet égard, je ne saurait trop faire appel à votre active surveillance, et je vous invite à vous monter d'autant plus vigilant pour déjouer toute tentative de ce genre, que la matière est fort difficile, et que l'Assemblée nationale, placée dans l'impossibilité de donner une définition positive, a laissé aux autorités chargées de l'exécution du Décret, le soin de discerner, selon les circonstances, la société secrète de la réunion non publique.
J'ajouterai, Citoyen Préfet, que les émissaires de la Société-mère des Droits de l'homme, qui ont reçu mission de créer dans les départements des affiliations clandestines, se présenteront souvent, dans les localités qu'ils doivent traverser, comme les agents de compagnies d'assurance. Les agents de ces Sociétés devront donc être observés avec un soin tout particulier, et mis sous la main de justice, dès que des faits positifs auront révélé leurs coupables desseins.
Salut et Fraternité. Le Ministre de l'Intérieur J.Senard
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